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Dossier - A quoi s'attendre pour les festivals français cet été ?

Par Alban Sauty

Alors qu'un arrêté interdisant tout les grands évènements publics jusque mi-juillet au moins n'a toujours pas été promulgué, nous revenons sur les conditions pour qu'un festival ait lieu et pourquoi il semblerait qu'en l'état actuel toutes les manifestations publiques rassemblant des milliers de personnes risquent d'être contraintes à l'annulation jusqu'à la fin de l'été.


Disclaimer : cet article n'a pas pour but d'alimenter la psychose ou le climat anxiogène autour de la question de l'annulation ou non des festivals mais d'expliquer via des preuves concrètes pourquoi la tenue de ces festivals est plus que compromise en l'état actuel.

Pour bien comprendre, résumons notre analyse en plusieurs points :

Sans arrêté préfectoral, des risques financiers trop importants


La situation : Pour le moment aucun arrêté n'a été promulgué. Cependant, si l'on se fie aux paroles du Président de la République française lors de son dernier discours, il est prévu l'interdiction des grands évènements uniquement jusqu'à mi-juillet. Cela signifie donc que sur le papier les festivals après le 15 juillet pourraient se tenir. On l'a vu il est pourtant impossible pour des festivals comme les Vieilles Charrues débutant leur montage bien avant cette date, de maintenir leur édition. Dès lors, cela peut aussi compromettre les festivals en août voire en septembre.

Pourquoi cela pose un problème ? : comme le montre le cas du Hellfest, sans arrêté préféctoral impossible d'invoquer le cas de force majeur au niveau des contrats pour les déclarer nuls et non-avenus et ainsi récupérer les acomptes versés aux artistes et prestataires divers.



Cela explique pourquoi certains festivals n'ont toujours pas annoncé leur annulation ou leur report. Les petits comme les gros festivals n'ayant pas la garantie de récupérer leur mise, et qui plus est, n'ayant pas d'assurance couvrant une pandémie (car cela n'est pas prévu par de nombreux contrats d'assurances) pourraient concéder des pertes sèches considérables. Les festivals n'ayant pas une assiette financière solide pourraient sombrer voire disparaître totalement. L'idée d'un report serait donc impossible et l'édition 2020 serait annulée soit faute de fonds pour la financer ou dans l'optique d'assurer la pérennité du festival en ne risquant pas de faire tapis alors que la partie n'a pas commencé.

La question de la sécurité


La situation : De nombreux secouristes sont actuellement mobilisés sur le terrain hospitalier pour porter assistance aux malades du COVID-19 et pour renforcer les équipes des hôpitaux. Comme l'a affirmé le président, lorsque nous sortirons du confinement des personnes seront toujours malades et d'autres pourront le devenir aussi comme le montre le cas de la Chine qui vient de connaître de nouveaux cas bien que selon le gouvernement chinois cela concernerait uniquement des chinois revenant de l'étranger. Le risque d'une seconde vague n'est donc pas exclu.



Pourquoi cela pose un problème ? : Comment envisager la tenue d'un festival sans une équipe de secouristes (pompiers, protection civile) mais aussi de la gendarmerie chargé de faire veiller à ce que le festival se déroule selon les règles fixées par la préfecture et sans débordements ? D'autant que la taille de ces équipes varie selon la taille du festival. Dès lors, étant donné que la situation sanitaire ne sera, à priori, pas contrôlée à 100%, ces personnes seront toujours mobilisés pour lutter contre la pandémie.

Par ailleurs, selon les mots de du président du Centre national de la musique (CNM), Jean-Philippe Thiellay : "quel maire prendra le risque d'être attaqué au pénal s'il y a un mort suite à un rassemblement ?" Effectivement, sans garantie de sécurité optimale, les organisateurs de festivals pourraient craindre de mettre en danger leur personnel et les festivaliers.

Le problème de la fermeture des frontières


La situation : Emmanuel Macron a annoncé dans son allocution, la fermeture des frontières avec les pays non-européens jusqu'à nouvel ordre sur le modèle de nombreux autres pays qui eux-aussi ont décrété la fermeture de leur frontières jusqu'au 1er septembre voire au delà.



Pourquoi cela pose un problème ? : nombreux sont les festivals ayant misé sur une programmation composé de headliners internationaux (Rage Against The Machine à Rock en Seine, Herbie Hancock à Jazz in Marciac, Nina Kraviz à l'Insane, The Chainsmokers aux Plages Electroniques ou encore Slipknot au Cabaret Vert). L'annulation de la venue de ces artistes serait dommageable pour les festivals qui comptent souvent sur ces têtes d'affiche pour attirer du monde.

La question des cachets déjà versés pour avoir l'exclusivité de l'artiste sur le territoire et la question restitution de ce dernier par l'artiste au festival fait aussi débat lorsque l'on sait que selon les artistes, ceux-ci jouent plus ou moins le jeu à ce niveau. Cela occasionnerait donc pertes financières importantes pour les festivals tant en terme de billetterie que de fonds investis ce qui nous amène à notre dernier point.

L'incertitude face à la crise économique qui arrive


La situation : Les analystes économiques sont unanimes, la crise économique qui fait suite à la crise sanitaire actuelle sera plus difficile à vivre que celle de 2007-2012 dont les effets sont encore présents aujourd'hui. De fait, la nouvelle crise va plonger le pays dans un état de récession, cela concerne tout les secteurs de société et donc le secteur de l'évènementiel qui mettra du temps à se relever de cette période bien qu'il pourra bénéficier de plans de relances budgétaires.

Cependant, cette crise qui ne sera comparable à aucune autre selon les mots du FMI, touchera aussi de plein fouet tous les citoyens.



Pourquoi cela pose un problème ? : il est assez logique de voir que les citoyens n'auront possiblement pas les moyens financiers de se rendre à un festival à partir de juillet notamment en ce qui concerne la population active au chômage partiel (1 salarié sur 4). Les festivals prendront-ils le risque d'engager des frais de milliers voire millions d'euros sans avoir une garantie de retours sur investissements ? Rien n'est moins sûr.

Conclusion


On le voit donc bien, de nombreux facteurs entrent en compte pour qu'un festival se réalise dans des conditions optimales. A la lumière de nos explications, il apparaît donc que les gros festivals pourraient être fortement compromis pour cet été en l'état actuel des choses. L'évolution dépendra des décisions gouvernementales qui se devront être rapides comme le souhaite le Syndicat des musiques actuelles.



Dès lors, quelques festivals pourront possiblement être sauvés comme l'a expliqué le Ministre de la Culture, Franck Riester chez France Inter : "un petit festival rural, avec une scène, un musicien et 50 personnes, qui sont à un mètre les unes des autres, sur des chaises, et qui ont un masque, et en rentrant sur le site la possibilité de se bien se laver les mains avec des produits spécifiques: on pourra tenir ces festivals-là."

Aujourd'hui, il s'agit d'agir vite mais de façon réfléchie et de faire les bons choix tant pour les organisateurs de festivals que pour le gouvernement. Les prochaines semaines s'annoncent cruciales en ce sens.

D'autant que le Premier ministre a assuré qu'il faudra vivre avec le virus et donc continuer de respecter les gestes barrières. Cela comprend donc la distanciation sociale d'1 m, ce qui compromet fortement les évènements futurs. Son discours à l'Assemblée Nationale sur les conditions de confinement sera peut-être, pour lui, l'occasion d'éclaircir ce sujet.


Crédit Photo : Niko Hellzine, Istvan Ruzsa
Alban Sauty Article rédigé par Alban Sauty