Est-il encore besoin de présenter Joachim Garraud, l’un des producteurs et compositeurs de musique électronique les plus influents depuis plus de 25 ans ? Que ce soit aux côtés de David Guetta, de Jean-Michel Jarre ou en son nom propre, Joachim Garraud, le Space Invader et pionnier de l’électro, a toujours un coup d’avance en matière de production audio et de création de concepts audiovisuels inventifs.
Son dernier tour de force ? Créer un studio mobile alimenté par l’énergie solaire afin de donner aux artistes un nouveau terrain de jeu et d’inspiration. Quoi de mieux en effet que de se perdre dans l’immensité des étendues désertiques Américaines et de se laisser inspirer sur le vif tout en ayant à portée un matériel d’exception pour immortaliser sa création ? Et si en plus, le tout est pensé de manière à réduire son empreinte carbone alors que demander de plus ? Sur le papier, cela semble assez incroyable, mais qu’en est-il vraiment de ce nouveau projet de Joachim Garraud ? J’ai eu la chance d’embarquer avec lui à bord du studio mobile LAGOODVIBE et de tester pour vous ce studio unique au monde au cœur du désert Californien.
Lever 5h du matin. Joachim ne rigole pas avec la discipline. Si on veut pouvoir sortir de Los Angeles rapidement et éviter le trafic, il faut se lever avant le soleil. Évidemment, ce matin je n’ai pas tellement de mal à me réveiller, excité comme je suis à la perspective de pouvoir tester ce studio d’un nouveau genre. Ce n’est pas le cas de mon guitariste Burak, qui a passé la nuit à faire la fête. Il habite à côté de chez Joachim heureusement, et après avoir sonné à sa porte pendant 10 bonnes minutes il finit par émerger, la tête ensuquée et les yeux rougis par le manque de sommeil. Ni une, ni deux, j’attrape sa guitare et je le pousse littéralement sur le siège arrière. Avec quelques minutes de retard, on arrive chez Joachim.
Le bus est garé sur son driveway, déjà prêt à partir. Les autres membres de mon groupe sont déjà là heureusement, Joachim leur fait faire le tour de ce camping car de luxe qu’il a transformé lui-même après de longs mois de recherche et de bricolage. Car c’est là l’une des spécificités du studio mobile de Joachim, c’est lui qui a conceptualisé et réalisé la transformation du camping car, avec l’aide de son ami Charles Coolen, un petit génie de la customisation de véhicules en tous genres.
On embarque les guitares, basses, amplis et la batterie et nous voilà déjà sur l’autoroute I10, qui nous emmène à l’Est de Los Angeles vers le désert de Mojave. Le soleil commence à percer, Joachim a pris le volant et nous sommes installés sur les banquettes. Fanny, notre bassiste et moi-même sommes en train de peaufiner les paroles de la chanson que nous comptons enregistrer aujourd’hui pendant que Burak et Forrest, notre batteur, s’activent à faire des cafés pour tout le monde.
L’objectif du jour, trouver un endroit inspirant, finir d’enregistrer le morceau et le mixer, le tout avant de revenir le soir même sur Los Angeles. Timing serré mais on est tous prêts à relever le défi, même Burak qui finit par s’éveiller au gré des rayons de soleil qui viennent nous caresser le visage et de la caféine.
Pendant que l’on roule, Joachim commence à nous présenter le studio. Il appuie sur un bouton et comme dans Star Trek, derrière le siège conducteur, un écran d’ordinateur glisse depuis le sol et apparaît au-dessus d’une station de travail. Il s’agit d’un Imac pro connecté à des enceintes Focal et à une interface MIDAS XR 18. Voilà le cœur de la machine, ce qui va nous permettre aujourd’hui d’immortaliser une journée qui s’annonce exceptionnelle. Les 18 entrées sont patchées de manière à ce que l’on puisse enregistrer à l’intérieur du bus mais aussi à l’extérieur.
Derrière la station de travail, il y a la banquette sur laquelle je suis assis et une table qui permet de prendre ses repas. Sur la gauche, juste en face, une petite cuisine, avec un réfrigérateur ainsi que des rangements pour la nourriture. Derrière cette pièce principale on trouve les toilettes et les couchettes qui peuvent accueillir jusqu’à 4 personnes. Enfin, au fond, une dernière pièce assez grande pour servir à la fois de cabine de voix mais aussi de pièce pour enregistrer des batteries. Bluffant.
Après quelque deux heures de route, on arrive enfin dans un lieu qui a tout d’une autre planète. Il s’agit d’un ancien lac, asséché depuis des dizaines d’années, une terre aride craquelée avec pour horizon rien d’autre qu’une étendue vierge émaillée de Joshua Tree. La vue est fantastique.
Joachim arrête le moteur et nous voilà plongés dans l’immensité. Le soleil tape désormais fort et l’on s’active après quelques minutes à profiter de ce paysage Californien hors du commun. On décide de faire une première prise live en dehors du bus. On installe tout notre matériel devant le bus à même le sol pendant que Joachim installe les micros pour la captation.
On se met d’accord, on va faire une première prise live avec tout le monde puis on ré-enregistrera les voix dans la cabine du fond. L’expérience est folle. Imaginez-vous en train de jouer et chanter au beau milieu de ce décor, la plus value en termes de performance est exceptionnelle. On se sent faire corps avec cette nature sauvage et l’adrénaline est à la hauteur du privilège que Joachim nous offre.
On enregistre finalement 4 prises et l’on remonte à bord pour écouter le résultat avec Joachim. Nous sommes extatiques, le son est incroyable. Seuls au monde, on pousse le volume, pas vraiment inquiétés par la perspective d’un quelconque tapage. Le fait que tout soit alimenté par des batteries solaires fait qu'aucun bruit de moteur ne vient parasiter les prises.
Près de la petite cuisine, un écran indique la production et la consommation d’énergie. Alors que nous sommes en train de blaster nos prises de sons, je remarque que les panneaux solaires installés sur le toit produisent à ce moment-là plus d’énergie que nous sommes en train d’en consommer avec le studio. C’est proprement hallucinant.
La journée se déroule comme prévu, on finit d’enregistrer toutes nos prises de voix avec le Neuman U87 du Joachim et la chanson prend forme.
On en profite pour tourner des images avec un drône afin de revenir avec un clip pendant que Joachim s’affaire déjà au mix de la chanson. On reviendra avec deux versions, la version rock brute que nous avons enregistrée et un remix électro que Joachim finit d'exécuter au moment où le soleil nous offre des couleurs rougeâtres et orangées avant de se coucher et de nous plonger dans une nuit étoilée et brillante, loin de la pollution visuelle de Los Angeles qui nous empêche habituellement de voir autre chose que la lune et Vénus.
La voix lactée se dessine au-dessus de nous et après un dernier repas au beau milieu du désert, on reprend la route pour Los Angeles. Mission accomplie. La fatigue nous prend et certains d’entre nous s'écroulent sur les couchettes pendant que Joachim nous ramène tous à bon port, toujours débordant d’énergie. Car il en faut beaucoup pour concevoir et réaliser un projet pareil. Joachim n’en manque pas et il esquisse déjà pour nous ses projets à venir, notamment celui de créer un nouveau studio mobile encore plus fou afin de sillonner l’Amérique latine.
Article rédigé par Vincent Walter Jacob |